LA GRANDE HISTOIRE DES SOLOS NÎMOIS : MIGUEL ÁNGEL PERERA À LA FERIA DES VENDANGES 2014


Dans la lignée des maestros Dámaso González et Paco Ojeda, Miguel Ángel Perera s’inscrit comme l’un des fils putatifs d’un style qui a révolutionné l’art tauromachique de la fin du XXe siècle. Un toreo donné sur la courte distance, fait de courbes et de circulaires, décrites dans un sens, puis dans l’autre. Une manière de toréer où la muleta fascine l’œil du toro afin de déplacer celui-ci avec lenteur, sans la moindre brusquerie… Parfois, en jouant d’un mouvement de balancier, de part et d’autre, comme pour mieux amadouer la charge de son adversaire.

Un art dans lequel ont excellé les deux premiers maestros cités même si Paco Ojeda tira un peu mieux les marrons du feu que son glorieux prédécesseur d’Albacete… Le sillon du toreo encimista avait été ainsi creusé dans les pistes des arènes de la planète taurin, très vite rejoint par de jeunes et ambitieux matadors de toros au premier rang desquels figurait notamment Jesulín de Ubrique, au tout début des années 90.

En 2000, Sébastien Castella est sacré matador de toros par Enrique Ponce, en présence de José Tomás, face à une corrida de Juan Pedro Domecq. Son style au fil des cornes et son toreo de courte distance font passer le frisson aux spectateurs qui avaient perdu de vue l’intensité inhérente à ce profil de faena… Quelques années plus tard, un longiligne torero venu d’Estrémadure vient fouler les mêmes terrains que son glorieux aîné biterrois ! Triomphateur à Madrid, Miguel Ángel Perera veut se faire un nom et se démarquer par la qualité de ses cambios dans les dos. Des passes d’ouverture de faena, immortalisées par Fernando Cepeda, qui permettent de détourner au dernier moment la charge de l’animal, en se le faisant passer dans le dos et en le perdant évidemment de vue… Émotions garanties pour une figure aujourd’hui l’alpha et l’oméga du répertoire de nombreux toreros.

Le 23 juin 2004, c’est sur « ses » terres de Badajoz que Miguel Ángel Perera est sacré matador de toros des mains d’El Juli, en présence de Matías Tejela, face à une corrida de Jandilla. Un élevage devant lequel le nouveau torero va associer bon nombre de ses triomphes avant de devenir l’un des matadors de prédilection d’une autre ganadería fondée à partir de la même origine : Fuente Ymbro.

En vingt ans d’alternative, Miguel Ángel Perera a toréé une cinquantaine de corridas de Jandilla. Des toros braves et nobles, parfois animés d’un tempérament capable de tourmenter les muletas les moins aguerries. Toutefois, le torero natif de la Puebla del Prior fait partie de ces génies du temple, dont un simple mouvement de poignet peut calmer les ardeurs d’une charge dans le prolongement naturel d’une passe. L’esthétique en plus…

Perera et Jandilla, c’est l’histoire d’un succès qui s’écrit depuis des années. C’est aussi un clin d’œil, trente ans plus tard, au premier solo organisé aux arènes de Nîmes entre l’idole des années 80, Paco Ojeda, face au fameux fer de l’étoile, associé à tant de triomphes du Sanluqueño dans la capitale gardoise. Ce samedi 20 septembre 2014, c’est dans sa couleur de costume fétiche, vert bouteille et or, que Miguel Ángel Perera s’avance sur la piste nîmoise, prêt à défier quatre toros de Jandilla et deux autres pupilles de Vegahermosa en encerrona, dans le cadre de sa temporada anniversaire des dix ans d’alternative.

« Gorrero », « Redicho », « Forjador », « Emblématico », « Eurica » et « Laminado » vont se succéder sur la piste nîmoise sans affirmer le caractère nécessaire pour que les faenas de Perera puissent prendre corps. Un brindis au 4e toro à son parrain d’alternative, El Juli, spectateur en contre-piste, suivi au 6e d’une autre offrande à Simon Casas. Entre les deux, un toro de Vegahermosa plus apte à en découdre dans une faena strictement composée de naturelles ; de l gauche, comme de la droite... Une rareté qui va permettre à Perera de montrer une autre facette de sa tauromachie. Conclue d’une épée entière, la faena est récompensée de deux oreilles, qui viennent s’ajouter aux trois autres, précédemment coupées devant les 2e, 3e et 4e toros.

Nul doute que ce solo n’aura pas pleinement répondu aux attentes de Miguel Ángel Perera en termes d’aboutissement artistique. Il n’en demeure pas moins une partition impeccable avec cape, banderilles, muleta et épée, marquée du sceau de la variété et de l’excellence technique. Un torero mûr et aguerri qui a savouré après deux heures et demie de course sa sortie en triomphe par la Porte des Consuls… Trente ans après celle d’Ojeda.


Le 20 septembre 2014, Miguel Ángel Perera signe une prestation des plus solides, seul face à six toros de Jandilla (crédit photo : Anthony Maurin).