Alejandro Talavante, Daniel Luque et Andrés Roca Rey sont les trois matadors de toros à avoir été engagés à deux reprises en 2023 aux arènes de Nîmes. Une programmation logique compte tenu du prestige et de la popularité de ces trois toreros, animés de personnalités aussi singulières que différentes. Trois matadors qui ont réaffirmé leur statut de vedettes mondiales de la tauromachie et dont l’excellence des faenas a constitué l’un des pics artistiques de cette temporada dans l’amphithéâtre gardois.
Seize après sa prise d’alternative sur le sable de nos arènes, des mains d’El Juli, sous le regard de Sébastien Castella, Daniel Luque a confirmé en 2023 tous les espoirs placés en lui et qui n’ont cessé de croître depuis 2018, année de sa réhabilitation dans les arènes françaises face à un panel ganadero renouvelé. C’est au cours de cette période, sous le patronage de la famille Pilès, que le torero de Gerena s’est ouvert à l’encaste Santa Coloma, connaissant une bienfaitrice révélation face aux toros de La Quinta, notamment à Bayonne (2018) et Mont-de-Marsan (2019). Consacré à Dax face à ces toros au cours de l’été 2022, Daniel Luque a renouvelé ce concerto de toreo de grande composition lors de la Feria des Vendanges, coupant un total de cinq oreilles.
Une Porte des Consuls d’excellence qui lui a permis de signer l’un de ses plus grands après-midis nîmois, quatorze ans après le fameux rabo coupé à un toro de Valdefresno, à l’issue d’une faena historique d’où avaient émergé les premières luquecinas de son répertoire. Cinq pavillons majeurs lors d’un mano a mano unilatéral face à Emilio De Justo, qui a su, lui aussi, se sublimer, en seconde partie de course. En deux corridas toréées à Nîmes, Daniel Luque a ainsi ravi un total de six trophées sur 5 toros lidiés, puisque le torero andalou avait été le récipiendaire de l’unique oreille concédée lors de la corrida d’El Parralejo célébrée pour Pentecôte.
2e, Andrés Roca Rey totalise lui aussi deux corridas au compteur, face à 4 toros de Victoriano del Río, dans le cadre de corridas « classiques », à trois toreros. Quatre oreilles lui ont été attribuées, chaque fois en session double face à l’ultime de toro de l’après-midi. Des faenas de deux trophées qui n’ont pourtant pas été suivies de sorties en triomphes, le torero péruvien se faisant un point d’honneur de n’être porté sur les épaules de ses fans que pour la seule ouverture de la Porte des Consuls, qui nécessite une coupe de trois trophées.
Une « grande porte » qui se refuse toujours à Alejandro Talavante, dix-sept ans après sa confirmation d’alternative nîmoise et sa première corrida dans l’amphithéâtre romain. Un comble pour le torero extremeño, auteur de tant d’œuvres majeures à Nîmes, dont la conclusion à l’épée n’a pas toujours été heureuse. En 2023, par deux fois, Talavante a touché au sublime, que ce soit devant le 5e toro de la corrida de Núñez del Cuvillo, pour Pentecôte, ou encore aux Vendanges face au 4e exemplaire du lot du samedi de Victoriano del Río. Une seule oreille, chaque fois, en guise de récompense, et les miels du triomphe toujours sur les lèvres des spectateurs, enivrés par la tauromachie imprévisible du natif de Badajoz, 3e de la classification nîmoise de cette temporada.
Avec 3 toros de La Quinta lidiés lors du mano a mano des Vendanges face à Daniel Luque, Emilio De Justo s’adjuge la 4e place du classement pour son seul paseo nîmois de la temporada. Trois oreilles gagnées à la force du poignet lui ont ainsi permis d’accompagner Luque par la Porte des Consuls et de redonner de l’éclat à ses ambitions en cette fin de saison. Le torero natif de Cáceres partage ce score de trois oreilles en une course avec El Juli, également lauréat d’une émouvante Porte des Consuls à l’occasion de la dernière corrida de la Feria des Vendanges, qui marquait également ses adieux à la France, vingt-cinq ans après sa prise d’alternative nîmois.
6e, El Rafi totalise également trois pavillons acquis lors de la corrida d’ouverture des Vendanges, qui portait le fer de Robert Margé. Toutefois, le matador nîmois a considéré que les trophées concédés n’étaient pas au goût de la majorité des spectateurs, refusant ainsi avec sagesse et humilité la sortie en triomphe par la Porte des Consuls « numériquement gagnée ». L’ovation finale n’en a été que plus grande pour le torero nîmois, sorti a hombros par la Porte des cuadrillas.
7e, Tomás Rufo est la tête visible d’un gruppetto de trois matadors récompensés de deux oreilles face à un seul et même toro. Auteur d’une faena époustouflante lors de l’alternative de Solalito, le matador tolédan a marqué les esprits d’un public transporté par ce toreo de ressenti et d’inspiration… Une faena de rabo aux dires des professionnels taurins sensibles à cette esthétique de la tauromachie. Au final, une seule sortie par la Porte des cuadrillas pour Tomás Rufo, à l’instar d’Adriano, qui a su mettre en exergue la densité de charge du brave 2e toro de Robert Margé, dépossédé de ses deux pavillons, en ouverture de Feria des Vendanges…
Autre faena importante de cette temporada nîmoise, l’œuvre proposée par Morante De La Puebla, le Dimanche de Pentecôte, face au toro d’ouverture de la corrida de Núñez del Cuvillo. Un condensé d’art et de personnalité sublimée entre les poignets d’un interprète unique de la tauromachie qui, suivant le modèle de Roca Rey, a refusé la sortie en triomphe par la « petite porte »…
À la 10e place, le nouveau matador Solal Calmet « Solalito » ouvre le clan des toreros récompensés d’une oreille lors de l’unique corrida qu’ils ont toréée à Nîmes en 2023. Derrière le 73e matador de toros français de l’Histoire suit le jeune retraité Thomas Dufau, invité à la table des Grands lors de la corrida de Victoriano del Río du samedi des Vendanges. Suivent José María Manzanares fils, Juan Leal et Sébastien Castella, qui ont tous ravi un pavillon entre le samedi et le dimanche de Pentecôte.
Trois matadors de toros ferment la marche de cette classification avec une seule corrida toréée sans avoir obtenu le moindre trophée. Il s’agit des trois confirmations d’alternative concédées à Nîmes en cette temporada 2023 : le Mexicain Arturo Saldívar, qui a dû attendre la Feria des Vendanges pour croiser sur sa route les toros de Robert Margé, initialement programmés pour Pentecôte, mais dont la corrida avait été annulée en raison de fortes précipitations, puis les jeunes matadors espagnols Francisco de Manuel et Ángel Téllez, qui n’ont pas été à la hauteur des triomphes madrilènes de 2022 qui les avait sortis de l’anonymat.
Si l’on dresse le bilan final de la classification des matadors de toros, Daniel Luque est le torero qui a lidié le plus de toros (5) et coupé le plus grand nombre d’oreilles (6). La Porte des Consuls s’est ouverte à trois reprises, pour El Juli, Daniel Luque et Emilio De Justo, à l’instar de celle des cuadrillas qui a accueilli les triomphes d’Adriano, Tomás Rufo et El Rafi. Sur les 17 matadors de toros engagés cette année à Nîmes, on relève donc 32 oreilles coupées, 1 vuelta – pour Solalito, face à son toro d’alternative –, 11 saluts au tiers, 1 session d’applaudissements et 7 silences à l’arrastre sur l’ensemble des 42 toros lidiés.
Le 17 septembre 2023, Solal Calmet « Solalito » est devenu le 73e matador de toros français de l’Histoire lors de la 35e alternative conférée à un matador dans les arènes de Nîmes. L’amphithéâtre gardois a été la scène taurine des confirmations d’alternative françaises des toreros espagnols Francisco de Manuel et Ángel Téllez, le 26 mai 2023, puis du matador mexicain Arturo Saldívar, le 14 septembre 2023.
Naturelle profonde de Daniel Luque face au 5e toro de la corrida de La Quinta, le 15 septembre 2023 aux arènes de Nîmes (crédit photo : Anthony Maurin).