TEMPORADA : QUATRE OREILLES ET UNE PAGE D’HISTOIRE ÉCRITE PAR PACO UREÑA A BILBAO


Ses deux faenas devant des toros de Victoriano del Río l’avaient déjà inscrit dans un cadre de toreo jusqu’alors inconnu. Porté par les muses de l’inspiration profonde, Paco Ureña est né une seconde fois, il y a mois d’un an, lorsqu’un toro d’Alcurrucén lui a fait perdre la vision de l’œil gauche. Depuis sa réapparition en habit de lumières, au printemps dernier, le torero murciano n’est plus le même : comme si cet handicap avait révélé en lui une autre dimension de sa tauromachie.

Il demeure toutefois une vertu qui n’a pas changé dans la façon de toréer de Paco Ureña : sa capacité à révéler les toros de caste, offrir le ventre de la muleta pour toréer selon les canons et aguanter la bravoure de ses adversaires. Une image qu’Ureña avait déjà proposée au public nîmois lors de l’extraordinaire corrida de Jandilla du Lundi de Pentecôte 2017. Las, un échec avec l’épée avec réduit à une récompense minime les quatre oreilles qu’Ureña avait légitimement gagnées avec cape et muleta. Quatre oreilles que le torero natif de Lorca a su conquérir ce vendredi 23 août dans une des arènes espagnoles les plus exigeantes qui soit : la plaza de toros de Vista Alegre, à Bilbao.

Depuis 55 ans, aucun torero n’avait fait aussi bien que Manuel Benítez « El Cordobés » et ses quatre oreilles coupées lors d’un même après-midi sur le sable gris de Bilbao. Paco Ureña a su bousculer ses codes et prouver au public vizcaíno qu’il était l’un des toreros incontournables de cette temporada. Un triomphateur indispensable à toutes les ferias de catégorie et dont la profondeur du toreo a tranché avec celle, notamment, de ses compagnons de cartel du jour, Diego Urdiales et Cayetano.

Deux faenas pour l’histoire, empreintes du sceau de l’engagement et du don de soi. Paco Ureña s’est pleinement livré à Bilbao face à ses deux adversaires de Jandilla, toréant avec une extraordinaire sincérité et un sens du sacrifice corporel dans sa gestuelle. Du courage, de l’esthétique, des détails par le bas : Ureña a exprimé par sa muleta la plénitude de sa maturité d’homme, consolidé après l’épreuve d’une blessure effroyable. Pris par le 3e toro de la corrida, juste avant l’estocade, Paco Ureña ne s’est pas regardé une seule fois, attendant de façon impassible que l’encasté Jandilla ne se rende à lui, une fois l’épée portée.

Une tarde pour un héros, à l’aguante affirmé sur ses gaoneras, avant une dernière faena à l’incroyable profondeur d’interprétation. Une œuvre d’art complète, dense, émouvante, conclue d’un coup d’épée digne des plus grands. Celle d’un après-midi historique, celle d’un torero au sommet de son art, celle de quatre oreilles dont on parlera encore au cours des cinquante prochaines années.

Un torero qui a déjà officié – et triomphé – à Nîmes cette année lors de la corrida matinale du Dimanche de Pentecôte, avant d’être présent à Mont-de-Marsan.  Paco Ureña, le torero de l’année, officiera à Nîmes et nulle part ailleurs en France le dimanche 15 septembre (11h30), aux côtés d’Enrique Ponce et Pablo Aguado face aux toros de Victoriano del Río.

Toute la joie d’un Paco Ureña comblé, quatre oreilles en mains à Bilbao, porté en triomphe par son confrère torero, Saúl Jiménez Fortes (crédit photo : Emilio Méndez / agence Suerte Matador).