On pourrait nommer cela la loi des séries. C’est un exploit rare qu’a réalisé Antonio Ferrera en l’espace de deux jours : obtenir la grâce de deux toros au sein d’une même arène et au cours de la même feria. Lundi 24 juin, le torero extremeño – dont on ignorait il y a encore un mois s’il était en mesure de retrouver le chemin des pistes après une chute depuis un pont – a gracié le toro « Juguete », de l’élevage de Zalduendo, à Badajoz.
Une performance d’autant plus importante qu’elle fait suite à un autre indulto, obtenu deux jours plus tôt par ce même Ferrera, toujours à Badajoz, face au toro « Jilguero », de Victoriano del Río. C’est face au 4e exemplaire de la corrida de Zalduendo que l’inspiré chef de lidia a délivré son récital, lui qui avait d’ores et déjà acquis la sortie en triomphe après avoir ravi les deux oreilles de son premier partenaire. Cape en mains, Antonio Ferrera a conquis le cœur des aficionados par un capoteo d’antan, bien dans le ton de la lidia.
Genoux en terre, après un brindis au torero local Javier Solís, Ferrera a fait rugir de plaisir le public pacense, livrant en suivi des séries de muletazos à la profondeur affirmée. Une faena d’ivresse et de bon goût qui a fait chavirer de bonheur les spectateurs, portés par la noblesse du Zalduendo et l’inspiration sans limites d’un Ferrera transfiguré. Mouchoir orange et grâce du toro « Juguete », le premier toro gracié par Zalduendo depuis deux ans, le dernier indulto pour cet élevage remontant au 28 mai 2017 à Sanlúcar de Barrameda (Cadix), sous la muleta d’El Juli.
Mais 48 heures avant de partager une sortie en triomphe d’exultations aux côtés de Ginés Marín du mayoral de Zalduendo, Antonio Ferrera avait encore été porté a hombros dans ces mêmes arènes de Badajoz, pour un autre indulto ! Vendredi dernier, le torero extremeño a ravi les deux oreilles et la queue symboliques du 4e toro de la corrida de Victoriano del Río, « Jilguero », en marge de l’alternative de Juanito. Un toro dont la lidia s’est avérée plus accidentée, avec la blessure du banderillero Javier Valdeoro.
Muleta en main, Ferrera a su révéler les qualités infinies de son adversaire pour une faena placée sous le sceau de l’émotion. Relâchement dans l’interprétation des passes, suavité des séries conduisant le toro avec inspiration, torero se laissant aller à l’émotion, jusqu’à avoir les larmes aux yeux. Une partition superbe, qui a touché le cœur du public de Badajoz, réclamant unanimement la grâce du toro. Nouvelle faena d’ivresse pour un torero qui, après 22 ans d’alternative et un triomphe historique à Madrid, n’a jamais pris autant de plaisir en piste et livré un toreo aussi profond et cadencé.
Le 8 juin dernier, pour son retour aux arènes de Nîmes après six années d’absence, Antonio Ferrera a renoué avec le triomphe dans l’amphithéâtre romain.
Naturelle au ressenti affirmé d’Antonio Ferrera le samedi 8 juin 2019 aux arènes de Nîmes face au 2e toro de la corrida de Jandilla (crédit photo : Anthony Maurin).